Temporalités et vidéo

 

René Odde

 

Psychanalyste, Montpellier

 

 

 

Pour introduire ces journées portant sur le temps, je vous propose une remarque préalable ainsi qu'un témoignage sur le rapport à la Vidéo et les Journées-Psy dont nous fêtons les trente années d’existence.

 

Nous sommes inscrits dans un temps, celui qui ordonne et rythme nos journées mais aussi notre histoire de vie selon la trilogie passé/présent /avenir.

 

Toutefois, ce temps chronologique ne rend pas compte de l'existence des temporalités multiples à l’œuvre dans le champ des activités humaines.

 

 

 

Dans le domaine de la physique contemporaine, les chercheurs font référence à une pluralité de temps physiques hétérogènes.

 

Ces temps physiques coexistent avec des temps vécus qui sont d'ordre biologiques, physiologiques ou psychiques qui sont, eux aussi, hétérogènes.

 

A ces temps vécus, on peut également ajouter les temps sociaux qui diffèrent selon les organisations sociales de la vie collective.

 

Et, de nos jours, nous avons à faire face à une accélération du temps causée par l'omniprésence du temps numérique.

 

 

 

Pour ma part, ce qui m'a plus particulièrement intéressé, ce sont les temps psychiques et la façon dont la Vidéo pouvait en rendre compte.

 

L'intérêt pour la liaison entre les temporalités et la Vidéo ne date pas d'hier en tant qu'elle s'est imposée dans les débuts de ma pratique.

 

A cette époque, est apparue une conception simplifiée de l'outil Vidéo qui devenait, désormais, maniable et utilisable par tout un chacun.

 

De par ce fait, son usage s'est rapidement imposé dans le domaine de l'éducation, l'enseignement, la publicité, la musique et les pratiques artistiques.

 

Je me souviens d'un film de Jean Luc Godard dans lequel le cinéaste intégrait dans son montage des séquences Vidéo.

 

 

 

Et, pour les psychothérapeutes, c’était une nouvelle médiation qui s'offrait à eux pour explorer des nouveaux domaines d'intervention .Cette médiation présente un réel intérêt de par les caractéristiques temporelles qu'elle peut mettre en œuvre.

 

Elle permet, tout d'abord, d’arrêter le temps: c’est l'arrêt sur image qui stoppe le déroulement du temps chronologique; c'est le temps du trauma, de la léthargie, de l'absence à soi-même, de la mort.

 

La Vidéo possède aussi cette possibilité d'opérer un retour en arrière du présent au passé et ainsi de  permettre de travailler sur les effets d'après coup à partir des moments qui prennent sens non pas à l'instant où ils ont été vécus mais dans un temps ultérieur; c’est là encore le temps du trauma mais aussi celui de l'enfance, de l'adolescence ou des moments de vie qui se succèdent sans que le lien entre eux soit établi .

 

J'ai, moi-même, cédé à cet effet d'engouement pour la Vidéo et je me suis servi de cet outil auprès de personnes pour qui il était important de reconstruire des expériences douloureuses du passé qu'elles n'avaient pas pu intégrer dans leur histoire et ainsi établir une continuité dans le déroulement de leur vie.

 

Cette démarche s'appuyait sur le travail de remémoration effectué à partir de la reviviscence des souvenirs et constituait, par le support Vidéo, un moyen de susciter le retour de contenus refoulés inconscients qui étaient maintenus hors champ et hors temps puisque l'inconscient est intemporel.

 

La remémoration trouve toutefois sa limite avec l'action de ce que Freud appelait la compulsion de répétition: quelque chose se répète sans pouvoir être symbolisé. Nous avons affaire, là, à un temps cyclique marqué par la répétition de l’identique.

 

Je me souviens d'un document Vidéo qui mettait en scène trois personnages où chacun venait témoigner à sa façon que ce qu'ils ne pouvaient formuler par des mots ne pouvait pas non plus être figuré par l’image.

 

Il ne leur restait plus d'autre solution que l'emploi d'une métaphore visuelle.

 

Pour l'un: jouer avec un masque pour figurer la difficulté d'être soi-même .Pour une autre: filmer l'ombre de son corps dansant lors d'une séquence où tout est harmonie pour figurer la difficile acceptation de l'image de son corps abîmé. Et, pour le troisième: utiliser un voile pour faire apparaître, disparaître ce moment entre la vie et la mort suite à l'acte suicidaire mais aussi le temps du retour à la vie où la différence entre la vie et la mort n'est plus distinctement perçu.

 

Il s'agissait, pour eux, de tenter de figurer l’irreprésentable.

 

Puis vint un autre temps, celui où je suis venu assister aux premières journées Vidéo-Psy pendant lesquelles je fus enrôlé pour y participer de façon active et m'insérer dans un temps cyclique puisque ce temps de partage et d'échange d'expériences et de pratiques se répète, tous les ans, depuis trente ans.

 

                                                              

 

XXXVI èmes Journées Vidéo-Psy

Nous voilà cette année encore à l'Institut Nazareth, 13 rue de Nazareth en mars 2025. Le rituel printanier se poursuit

Organisées par le C.R.A.P.S

(Dr R.BRES), le groupe Vidéo-psy et le CHU de  Montpellier,

Les journées sont gratuites et ouvertes aux personnels de santé et aux partenaires sociaux sans inscriptions préalables.

 

EN MARGE CITOYENS